En Algérie, obtenir une carte bancaire – surtout une carte utilisable à l’international – relève souvent du parcours du combattant. Le dinar algérien n’étant pas librement convertible, les banques locales fonctionnent sous de fortes restrictions pour les paiements en devises. Pourtant, face à l’essor du e-commerce et du freelance, de plus en plus d’Algériens cherchent des astuces pour se procurer une carte bancaire internationale. Dans cet article, nous vous proposons une vue d’ensemble d’un point de vue algérien, avec des conseils originaux, des détails sur les frais, et des solutions alternatives pour contourner les obstacles.

Les cartes internationales des banques locales
Avant d’aborder les alternatives étrangères, évoquons les cartes internationales offertes par certaines banques locales. En effet, il est possible d’obtenir une carte Visa ou Mastercard en Algérie auprès de certaines banques (publiques ou privées) disposant d’accords à l’étrangerreddit.com. Ces cartes sont généralement liées à un compte en devises (euro, dollar) ouvert dans la banque. Toutefois, leur accessibilité est limitée par plusieurs facteurs :
- Conditions d’ouverture strictes : la banque exigera l’ouverture d’un compte en devises, souvent en plus du compte en dinars. Cela suppose d’avoir une source de devise (virement de l’étranger, ou conversion de dinars). Certaines banques demandent même un dépôt minimum important (jusqu’à 1000 €) qui doit rester bloqué sur le compte. Tout le monde ne dispose pas d’une telle somme en devises.
- Frais et commissions élevés : ces cartes locales internationales s’accompagnent de frais non négligeables. Par exemple, un utilisateur indiquait qu’une Visa internationale dans une banque algérienne lui a coûté 14 000 DA de frais d’obtention, sans compter les frais de renouvellementr. De manière générale, les banques facturent une cotisation annuelle assez élevée (souvent autour de 300 à 400 DA par mois, soit ~3300 DA/an). C’est nettement plus cher que les fintechs étrangères, comme on le verra plus loin.
- Plafonds d’utilisation : bien que vous n’ayez pas besoin de connaître tous les détails de ces limites, sachez que les montants utilisables à l’étranger sont généralement plafonnés. Il peut s’agir d’un plafond annuel en devises (lié à l’allocation touristique officielle, par ex. quelques centaines d’euros par an) ou d’un plafond mensuel de retrait. Cela reste assez restreint, car l’Algérie contrôle les sorties de devises pour préserver ses réserves.
- Approvisionnement en devises : c’est le nerf de la guerre. Pour alimenter votre carte internationale algérienne, deux options : soit obtenir des devises via les canaux officiels (ce qui est très limité et souvent réservé aux voyages à l’étranger dans un cadre bien précis), soit acheter des euros ou dollars au marché parallèle pour les déposer sur le compte. La plupart des détenteurs de ces cartes passent par la deuxième option, malgré le coût élevé du change parallèle. Par exemple, 100 € achetés au square reviennent facilement à plus du double du prix officiel, ce qui renchérit d’autant vos dépenses.
Malgré ces inconvénients, il faut reconnaître que ces cartes bancaires algériennes internationales fonctionnent bel et bien en ligne. Un utilisateur rapporte par exemple qu’avec sa Visa obtenue en Algérie, il peut lier son compte PayPal et faire des achats sur Amazon, Alibaba, etc. C’est donc une solution légale et sûre pour payer en ligne, à condition d’en accepter le coût et la complexité administrative. Pour un Algérien voyageant à l’étranger, c’est également un moyen de retrait d’urgence en devises (bien que les frais de retrait à l’étranger soient souvent élevés).
Conseil pratique : Si vous optez pour une carte internationale via une banque algérienne, renseignez-vous bien sur les frais précis (frais d’ouverture, de tenue de compte, commission sur transactions) afin d’éviter les surprises. N’hésitez pas à faire le tour de plusieurs banques car les offres varient : certaines banques privées exigent par exemple moins de dépôt initial mais facturent plus cher à l’usage, tandis que d’autres (notamment les filiales de banques françaises) proposent des cartes avec des packages tout compris. Dans tous les cas, préparez-vous à justifier l’origine des fonds en devises que vous déposez (vu l’absence de bureaux de change officiels, le banquier devine bien d’où viennent vos euros, mais c’est la procédure).
Les alternatives étrangères prisées par les Algériens
Face aux difficultés évoquées, de nombreux Algériens se sont tournés vers les néobanques et fintechs étrangères pour obtenir une carte bancaire internationale. Les noms qui reviennent souvent sont Paysera, Wise (ex-TransferWise) et Revolut. Ces solutions, à l’origine destinées à un public international, ont connu un engouement en Algérie car elles offrent des comptes en devises, avec carte Visa/MasterCard, sans passer par le circuit bancaire local. Voyons les particularités de chacune, ainsi que les astuces pour les obtenir depuis l’Algérie.
Paysera : la pionnière plébiscitée mais désormais bloquée
Paysera est une banque en ligne lituanienne qui a fait fureur en Algérie vers 2019-2022. Sa carte Visa prépayée a séduit des milliers d’Algériens, en particulier des freelancers et des e-commerçants. Pourquoi un tel engouement ? Simplement parce que ouvrir un compte Paysera était facile (inscription en ligne, vérification d’identité par pièce d’identité) et permettait d’obtenir une carte Visa internationale valable 4 ans livrée depuis l’Europe

Avec cette carte, vous pouviez payer sur AliExpress, eBay, Booking, Airbnb et tous les sites mondiaux sans restriction. Mieux, les frais étaient très raisonnables : 0,75 € par mois seulement (≈150 DA) de frais de service, bien moins que les banques algériennes qui facturent souvent plus de 300 DA par mois. Paysera offrait ainsi une bouffée d’air frais, permettant aux Algériens d’entrer dans l’ère du paiement en ligne international à moindre coût.
Cependant, cette belle époque a pris fin courant 2023. Deux gros changements sont venus limiter Paysera pour les Algériens : d’abord les nouvelles conditions de Paysera elle-même, puis les restrictions algériennes.
- Nouvelles conditions de Paysera (résidence européenne) : En janvier 2023, Paysera a annoncé que désormais, pour commander sa carte Visa, il faut prouver une résidence dans un pays européen. En clair, lors de la demande de carte, ils peuvent exiger un justificatif de domicile dans l’Espace Économique Européen. Cette mesure a été un coup de massue pour les utilisateurs algériens existants et pour ceux qui souhaitaient s’inscrire. Les personnes qui avaient déjà une carte ont été invitées à mettre à jour leurs informations, et il n’est plus possible pour un résident d’Algérie (n’ayant pas d’adresse européenne) d’obtenir une nouvelle carte Paysera légalement. En parallèle, Paysera a arrêté d’expédier des cartes physiques vers l’Algérie (de toute façon, l’envoi était réservé à l’EEE). Pour ne rien arranger, Paysera ne propose pas de carte virtuelle – uniquement la physique Visa – ce qui prive les utilisateurs en dehors de l’Europe de toute solution de rechange.
- Interdiction d’importation en Algérie : Presque simultanément, les autorités algériennes ont interdit l’importation de cartes bancaires étrangères par des canaux non officiels. Des rumeurs circulaient fin 2022 sur le fait que des colis contenant des cartes Paysera étaient bloqués en douane. En pratique, cela signifie que même si Paysera acceptait de vous envoyer une carte en Algérie, il y a de fortes chances qu’elle soit saisie par la douane. Un utilisateur témoigne : « Les cartes sont bannies à l’importation… je conseille plutôt de la faire envoyer à un ami en Europe, qui te communiquera le code au dos pour l’activer ». Un autre confirme : « J’ai essayé d’en commander une, c’est officiellement interdit ici (ceux qui l’avaient déjà peuvent continuer à l’utiliser).
En somme, ouvrir un compte Paysera depuis l’Algérie reste possible (le site accepte les inscriptions avec un numéro de téléphone algérien, etc., et figure même l’Algérie dans la liste des pays supportés) ; c’est surtout l’obtention de la carte qui pose problème. En 2024, la plupart des Algériens ont dû renoncer à Paysera ou chercher des parades. Quelques astuces néanmoins si vous tenez à Paysera :
- Si vous avez de la famille ou des amis en Europe : utilisez leur adresse pour la livraison. Officiellement, Paysera n’envoie qu’en Europe, donc c’est indispensable. La personne pourra ensuite vous envoyer la carte par courrier discret ou vous transmettre au moins les informations (numéro, CVV, date) pour que vous l’utilisiez en ligne. Attention, si Paysera exige un justificatif de résidence au moment de la commande, cette démarche nécessite que votre proche vous prête une facture à son nom (ce qui n’est pas légalement votre adresse…). C’est un cas un peu limite, à vos risques et périls.
- Certains shops ou intermédiaires en Algérie proposaient (du temps où c’était la folie Paysera) de vous obtenir la carte moyennant finance. Par exemple, un article de presse indiquait qu’il fallait payer 3500 DA + 3 € de frais de livraison via ces canaux informels. Mais vu les interdictions actuelles, ne vous fiez pas aux vendeurs Facebook qui promettent monts et merveilles – vous risquez de perdre votre argent ou de recevoir une carte inactive.
- Si vous avez de la famille ou des amis en Europe : utilisez leur adresse pour la livraison. Officiellement, Paysera n’envoie qu’en Europe, donc c’est indispensable. La personne pourra ensuite vous envoyer la carte par courrier discret ou vous transmettre au moins les informations (numéro, CVV, date) pour que vous l’utilisiez en ligne. Attention, si Paysera exige un justificatif de résidence au moment de la commande, cette démarche nécessite que votre proche vous prête une facture à son nom (ce qui n’est pas légalement votre adresse…). C’est un cas un peu limite, à vos risques et périls.
- Certains shops ou intermédiaires en Algérie proposaient (du temps où c’était la folie Paysera) de vous obtenir la carte moyennant finance. Par exemple, un article de presse indiquait qu’il fallait payer 3500 DA + 3 € de frais de livraison via ces canaux informels. Mais vu les interdictions actuelles, ne vous fiez pas aux vendeurs Facebook qui promettent monts et merveilles – vous risquez de perdre votre argent ou de recevoir une carte inactive.
Wise : le multi-devises pratique, mais sous conditions
Wise, anciennement TransferWise, est une fintech britannique renommée pour ses transferts d’argent à bas coût et ses comptes multi-devises. Contrairement à Paysera, Wise n’a jamais officiellement ciblé le marché algérien. En fait, le service n’est pas disponible pour les résidents d’Algérie en ce qui concerne l’émission de la carte. Sur le papier, si vous tentez de commander la Wise Card depuis l’appli en indiquant une adresse en Algérie, vous recevrez un message du type « désolé, la carte n’est pas disponible dans votre pays ».

Cependant, de nombreux Algériens débrouillards ont réussi à utiliser Wise malgré tout. Voici comment et à quoi faire attention :
- Ouverture de compte et carte via une adresse étrangère : La méthode la plus courante consiste à ouvrir un compte Wise normalement (avec votre identité algérienne), mais en renseignant une adresse de résidence en France ou un autre pays supporté. Par exemple, si vous avez un parent en France, utilisez son adresse lors de l’inscription et faites expédier la carte là-bas. Wise, dans bien des cas, ne vous demande pas tout de suite un justificatif de domicile ; ils vérifient surtout votre identité (passeport/CNI) et parfois l’origine des fonds. Une fois la carte expédiée et activée via le code d’activation, vous pourrez utiliser votre compte Wise depuis l’Algérie sans que l’application ne s’en offusque – il n’y a pas de géorestriction logicielle stricte.
- Carte virtuelle : Un avantage de Wise sur Paysera est qu’il propose des cartes virtuelles instantanées. Dès que votre compte est vérifié, vous pouvez générer une carte virtuelle (MasterCard) via l’appli. Cela permet d’effectuer des achats en ligne immédiatement, même si la carte physique n’est pas encore en votre possession. Pour beaucoup d’Algériens, la carte virtuelle suffit à payer en ligne (abonnements, services, etc.), évitant l’attente de la livraison. Mais attention, officiellement pour y accéder il faut que le pays de résidence dans l’appli soit éligible – d’où l’astuce de l’adresse étrangère.
- Risques de vérification : La combine de l’adresse n’est pas sans risque. Wise peut à tout moment demander un justificatif de domicile si elle détecte quelque chose de louche ou simplement lors d’un contrôle de routine. Si vous avez déclaré « France » comme pays, ils s’attendront à une facture EDF, un bail à votre nom en France… ce que vous n’aurez pas si vous vivez en Algérie. Dans ce cas, votre compte pourrait être bloqué, avec vos fonds gelés le temps de prouver votre adresse réelle – un casse-tête dont il faut avoir conscience. Conseil : si vous utilisez cette méthode, évitez de garder de grosses sommes sur votre compte Wise tant que votre situation n’est pas régulière. Et idéalement, ayez un proche en France prêt à vous aider (certains ont contourné le problème en déménageant officiellement leur compte Wise en Algérie après avoir reçu la carte, mais comme la carte n’est pas offerte en Algérie, cela peut entraîner sa désactivation à l’expiration sans possibilité de renouveler).
- Frais Wise : Côté tarifs, Wise est transparent et plutôt économique. L’ouverture de compte est gratuite. L’émission de la carte physique coûte environ 7 € (prélevés sur votre solde) et la livraison vers la France est souvent gratuite ou quelques euros. Il n’y a pas de frais mensuel pour la carte standard. Les paiements en devises sont effectués au taux de change réel + petite commission (ex : ~0,5%), ce qui est bien plus avantageux que les taux bancaires traditionnels. Les retraits aux DAB sont gratuits jusqu’à un certain plafond (par exemple, 2 retraits par mois jusqu’à 100 £ cumulés – l’équivalent d’environ 40 000 DA – sont gratuits, au-delà Wise prend ~1,75% de frais). Ces conditions peuvent varier selon le pays de résidence déclaré, mais restent raisonnables. En résumé, utiliser une carte Wise coûte beaucoup moins cher qu’une carte bancaire algérienne en termes de change et de commissions.
- Fiabilité et précautions : De l’avis général, Wise est un service fiable et sérieux. Mais des utilisateurs algériens ont rapporté des blocages de compte après des opérations jugées suspectes. Souvent, cela arrive si vous utilisez intensivement la carte virtuelle ou recevez de nombreux paiements de tiers inconnus. Wise applique strictement les règles anti-fraude et anti-blanchiment, donc chaque flux d’argent doit être justifiable. Pour éviter les soucis, fournissez les documents demandés lors de la vérification (pièce d’identité, éventuellement justificatifs d’activité freelance si vous en faites) et évitez d’utiliser Wise comme un bureau de change clandestin (par exemple n’envoyez pas des euros à d’autres utilisateurs contre du cash, c’est le genre de chose qui les alerte).
Revolut : une solution réservée aux globe-trotters
Revolut est une autre néobanque très populaire à travers le monde, connue pour son application mobile riche en fonctionnalités et ses comptes multi-devises gratuits. Cependant, si Wise est difficile d’accès, Revolut l’est encore plus pour un Algérien résidant au pays. En effet, l’Algérie ne figure pas dans la liste des pays supportés par Revolut lors de l’inscription. Concrètement, l’application Revolut refuse toute adresse de résidence en Algérie. Il a été remarqué qu’elle accepte les numéros de téléphone +213, ce qui a pu semer la confusion chez certains, mais au final le critère bloquant est le pays de résidence.

En d’autres termes, vous ne pouvez pas créer de compte Revolut en restant en Algérie, sauf cas très particulier. Il n’existe pas de « truc » simple comme avec Wise où l’on peut juste fournir une autre adresse, car Revolut cherche également à vérifier que vous êtes présent physiquement dans le pays déclaré (elle peut utiliser la géolocalisation du téléphone lors de l’inscription, ou exiger un numéro fiscal, etc., selon les cas).
Cela dit, il y a des Algériens qui utilisent Revolut. Qui sont-ils ? Essentiellement des personnes qui ont eu l’occasion de vivre ou séjourner à l’étranger. Par exemple, un étudiant parti en France ou en Canada peut ouvrir Revolut sur place, et garder son compte en rentrant. De même, des binationaux ou expatriés algériens utilisent Revolut et en font la promotion autour d’eux. Revolut est particulièrement apprécié pour son ergonomie et ses fonctionnalités innovantes (cartes virtuelles éphémères, échanges de crypto, etc.), mais ce serait hors sujet pour nous.
Pour un résident 100% algérien qui n’a jamais quitté le pays, envisager Revolut est hélas utopique. Même sur le subreddit algérien, à la question « Comment s’inscrire à Revolut quand on vit en Algérie ? », la réponse la plus claire a été « Tu ne peux pas ».
Le mieux que vous puissiez faire, si vous tenez à Revolut, c’est d’ouvrir un compte lors d’un voyage (par exemple, une inscription depuis la Tunisie voisine ne fonctionnera pas non plus car Revolut n’y est pas présent ; il faut être en Europe, aux Amériques, ou dans l’un des pays supportés). Une fois le compte créé à l’étranger avec une adresse locale, vous pourrez l’utiliser en Algérie sans problème majeur – Revolut ne ferme pas un compte parce que vous vous connectez depuis un autre pays, tant que vous restez en règle. Vous pourrez ainsi profiter de leur carte (physique et virtuelle) pour payer en Dinar à l’étranger ou en ligne, avec conversion au taux du marché comme Wise.
Astuce : Revolut offrant la monnaie DZD dans sa liste (pour les clients étrangers voyageant en Algérie), certains pourraient penser qu’il est possible de détenir des dinars sur Revolut. En réalité, non – Revolut vous permet de payer en DZD ou de retirer en DZD lors de vos séjours en Algérie, mais vous ne pouvez pas recharger votre compte en dinars depuis une banque algérienne. C’est juste une conversion instantanée depuis vos autres soldes. Autrement dit, même avec Revolut en main, vous aurez toujours besoin de devises (euros, dollars) pour l’alimenter d’une façon ou d’une autre.
En résumé, Revolut n’est pas une option pour la majorité des Algériens restés au pays, sauf à avoir préparé le terrain lors d’un séjour à l’étranger. C’est un excellent service en soi, mais on lui préférera Wise qui, bien que non disponible officiellement, est contournable plus facilement.
